Enfin une appli pour se former : oui, mais gare aux dérives !

Une “app” pour préparer au mieux son avenir professionnel et assurer son employabilité. C’est ce que propose MonCompteFormation, une application mobile lancée par le ministère du Travail. Au menu : consultation des droits, offres de formation et même inscription directe aux sessions ou programmes… sans intermédiaires.

L’application MonCompteFormation permettra à tous les salariés et demandeurs d’emploi de s’informer sur les droits acquis (crédits CPF), les formations accessibles dans leur secteur géographique, et les dates des prochaines formations. Il est possible de s’inscrire directement depuis l’application, puis d’évaluer la formation. Le ministère parle d’un « service rapide, universel, sans intermédiaire et centré sur la personne ».

Une fois la demande d’inscription à une formation validée par l’utilisateur, l’organisme de formation doit confirmer l’inscription dans les 48 heures maximum. Si le crédit figurant au CPF n’est pas suffisant pour régler l’intégralité de la formation, l’utilisateur peut compléter le montant avec sa carte bancaire (à ses frais).

La mise en place de cet outil marque à la fois la fin de l’intermédiation du CPF (principalement assurée par les OPCA, Pôle emploi, les entreprises, …) et la mise en place d’une nouvelle relation, plus directe, entre bénéficiaires et prestataires de formation.
Si la liberté donnée au salarié, et la confiance qui lui est ainsi accordée, témoigne d’une considération certaine pour la personne, il n’en demeure pas moins qu’elle prive de conseil et d’accompagnement certains des travailleurs qui sont déjà les plus fragilisés sur le marché de l’emploi, notamment les personnes confrontées à l’illectronisme. En effet, si une très grande majorité de Français possèdent les outils pour accéder au numérique, l’autonomie de chacun quant à leur parfaite utilisation s’avère plus restreinte.

Prendre en compte l’illectronisme

Une récente étude de l’Insee (octobre 2019) mentionne que 38 % des usagers manquent d’au moins une compétence numérique de base. 1 personne sur 4 ne saurait pas s’informer et 1 sur 5 serait en difficulté pour communiquer via Internet. On y apprend encore que « les personnes les plus âgées, les moins diplômées, aux revenus modestes, celles vivant seules ou en couple sans enfant ou encore résidant dans les DOM sont les plus touchées par le défaut d’équipement comme par le manque de compétences ».

Concernant la lutte contre l’illectronisme, la CFTC rappelle qu’elle a contribué, dans le cadre de l’instance paritaire Certif Pro, à la mise en place de CléA et de CléA numérique (noms des certifications désignant le socle de connaissances et de compétences, incluant le numérique). Ces deux certifications ont la vertu de prendre en compte les personnes en très grande fragilité sociale (personnes en situation d’illettrisme, illectronisme, migrants …).

« Réintermédier » le CPF

Dans ces conditions et sans nier l’utilité de cette application, la CFTC s’efforcera de « réintermédier » le CPF afin de s’assurer que les inégalités d’accès à la formation ne s’aggravent pas (sur les 28 millions de bénéficiaires potentiels, seuls 8 millions de CPF ont été activés depuis son lancement en 2015 et environ 2 millions de comptes ont été mobilisés pour financer des formations). Afin d’offrir également une réelle plus-value en termes de sécurisation et d’évolution des parcours professionnels. C’était et cela doit rester la finalité première du CPF à laquelle l’application doit contribuer !

Ce renforcement de l’action des partenaires sociaux ou « réintermédiation » sur le CPF, la CFTC le défendra à plusieurs niveaux :

  • Dialogue social de branches (CPNE), dans les entreprises et en régions (CREFOP, CESER) : négocier de réels abondements complémentaires au CPF pour qu’il n’y ait pas de reste à charge pour les bénéficiaires
  • Dialogue social régional et information / conseil (Associations régionales Transitions Pro, ex FONGECIF, opérateurs régionaux du CEP, dont le réseau paritaire des CIBC) : offrir un conseil / accompagnement personnalisé indispensables à l’élaboration et la mise en œuvre des projets de formation et d’évolution professionnelle, notamment auprès de la population confrontée à l’illectronisme

Dans ces divers cadres, les partenaires sociaux devront également anticiper et réguler d’éventuels abus ou dérives, parmi lesquels :

  • Le démarchage des organismes de formation via l’application, qui devra être encadré, afin de limiter le gaspillage des crédits CPF par un achat inconsidéré.
  • La surconsommation des formations en ligne, de courtes durées, et peu qualifiantes, en raison de leur faible coût horaire et de l’attractivité relative dont elles bénéficieront sur l’application, qu’il faudra suivre et quantifier.
  • Les dispositifs d’évaluation des formations (à la façon d’un Tripadvisor) ne devront pas permettre la possibilité de biaiser les notes en recourant à des faux comptes, ou à des évaluations fictives trompant les salariés.

Enfin, la CFTC rappelle que la mise en place de l’application MonCompteFormation ne désengage absolument pas les employeurs de leurs obligations en matière de formation (adaptation au poste de travail et maintien dans l’emploi) vis-à-vis de leurs salariés.

 

Retrouvez cet article sur le site de la CFTC

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