Plusieurs syndicats du secteur bancaire demandent une fermeture des agences bancaires pour préserver la santé des salariés exposés au coronavirus sans protection suffisante. La Caisse d’Epargne Ile-de-France a déjà sauté le pas en fermant une partie de son réseau. Les préoccupations concernent également les open-spaces, jugés encore trop remplis.
Les agences bancaires vont-elles fermer ? C’est en tout cas la demande de plusieurs syndicats du secteur qui s’inquiètent des conditions de travail des salariés exposés au public. Les banques doivent continuer à assurer l’accueil du public dans leurs réseaux physiques, puisque comme les commerces alimentaires et les pharmacies, les agences bancaires sont considérées par le gouvernement comme indispensables pour la population en cette période de confinement mise en place pour endiguer l’épidémie du coronavirus.
Si les syndicats du secteur ont assuré, dès dimanche, “comprendre cette mesure”, certains ont manifesté sans attendre leurs craintes quant aux conditions de travail dans lesquelles exercent les salariés concernés, alors que le gel hydroalcoolique, les masques et les gants manquent souvent à l’appel.
Mardi, ces inquiétudes ne se sont pas dissipées. A seulement quelques heures de l’entrée en vigueur des mesures de confinement annoncées par Emmanuel Macron la veille, de nombreux clients se déplaçaient encore en agence pour effectuer de simples opérations, réalisables à distance en ligne, comme des virements de compte à compte.
Fermer les agences au public et trier les demandes
Le SNB/CFE-CGC, premier syndicat du secteur bancaire en France, a ainsi demandé mardi matin à la Fédération bancaire française (FBF) “que les agences bancaires soient fermées au public pour ne servir que les personnes qui ont un besoin vital”, notamment celles qui ne disposent pas de carte bancaire.
Comment faire le tri entre les demandes urgentes et les autres avec une agence fermée ? “Entre les zones dites de libre service bancaire et les zones où le personnel travaille, il y a des interfaces où l’on peut communiquer, à travers des grilles ou des rideaux. L’idée est d’identifier la demande du client qui sonnera avant de le faire entrer ou non”, explique à La Tribune Frédéric Guyonnet, le président du SNB/CFE-CGC.
Même demande du côté de la CFTC, qui fait savoir dans un communiqué de presse, publié ce mercredi, attendre “des patrons des banques françaises des mesures fortes, immédiates afin que la santé de tous soit préservée”. “Nous vous demandons en conséquence de fermer un maximum d’agences pour préserver un maximum de nos collègues exposés sans protection aucune au coronavirus”, poursuit le communiqué.
La Caisse d’Epargne Ile-de France saute le pas
“Nous souhaitons que les agences bancaires qui ne disposent pas de cash, et elles sont nombreuses, soient fermées”, précise à La Tribune Diana Brajevic, secrétaire générale de la fédération CFTC Banques. “Aujourd’hui il y a un confinement. Quelle est l’urgence de laisser une banque ouverte ?” s’interroge-t-elle.
Dans les détails, la CFTC demande que ne soit laissée ouverte “qu’une agence sur 3 avec rotation des équipes” et “pour les agences qui devront nécessairement rester ouvertes, nous demandons un vigile pour gérer les flux et un équipement tel que préconisé par les scientifiques pour nos collègues d’astreinte (lunettes, gants etc…)”.
Certains réseaux bancaires ont déjà pris la décision de fermer plusieurs agences. La Caisse d’Epargne Ile-de France vient ainsi de publier la liste des agences qui demeurent ouvertes et celles qui sont désormais fermées. A titre d’exemple, sur les 77 agences que compte la banque à Paris, 21 sont fermées, soit plus de 25%. La Caisse d’Epargne Rhône-Alpes a, quant à elle, pris la décision de n’ouvrir ses agences que sur rendez-vous, pris préalablement sur Internet.
Contacté à ce sujet, BPCE, le groupe bancaire auquel appartiennent les Caisses d’Epargne et les Banques populaires, indique simplement que moins de 5% de ses agences sur tout le territoire sont actuellement fermées. Ces fermetures concerneraient les plus petites implantations, qui font face à un manque d’effectifs
Des open spaces encore trop remplis
Mais les agences ne sont pas le seul centre de préoccupations des organisations syndicales. “Un autre problème concerne les sites centraux, où l’on retrouve les services de gestion des flux notamment. Or, la plupart de ces salariés travaillent en open space”, pointe Frédéric Guyonnet de la SNB/CFE-CGC, laissant sous-entendre une trop grande proximité entre chaque collaborateur.
“Nous avons demandé une identification précise des services essentiels à la vie du secteur. Et nous souhaitons que les personnes qui travaillent dans des services non-essentiels puissent rentrer chez elles pour gagner des mètres carrés dans les locaux et redispatcher au mieux les équipes dont la présence est indispensable”, poursuit le représentant.
Selon ce dernier, les pratiques de télétravail diffèrent beaucoup selon les établissements bancaires. Chez certains, le recours au travail à distance est massif et maîtrisé, mais d’autres ne seraient pas encore suffisamment équipés, d’où la présence jugée, encore trop importante des salariés dans certains locaux.
“Les agences bancaires resteront ouvertes au maximum”, dit la FBF
Interrogée par La Tribune sur ces différentes demandes, la FBF n’a pas souhaité faire de commentaires. Elle s’est contentée d’un communiqué de presse, publié mardi soir, dans lequel il est indiqué que “les banques recommandent à leurs clients de limiter le plus possible leurs déplacements”.
“Les clients sont invités à privilégier les contacts avec leur conseiller par téléphone ou via les plateformes dédiées. Au quotidien, l’essentiel des opérations bancaires peuvent être accomplies à distance ou via les automates”, rappelle-t-elle. “Par ailleurs, sauf cas de force majeure, les agences bancaires resteront ouvertes au maximum et les collaborateurs répondront à leur mission de services essentiels”, est-il indiqué. Une position insuffisante pour les syndicats.
Le droit de retrait déconseillé
Quid alors du droit de retrait, qui permet à un salarié, lorsque la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, de quitter son poste de travail ou de refuser de s’y installer, sans l’accord de son employeur ? “Nous ne le recommandons pas car cela risque de se retourner contre les salariés parce qu’il est très difficile de prouver qu’il y a un danger imminent quand d’autres professions restent ouvertes”, répond Diana Brajevic.
“Le gouvernement donne très peu de préconisations hormis les gestes barrières. Du coup, le droit de retrait ne peut être exercé dans notre profession puisqu’il y a le respect des préconisations du ministère de la Santé. Pire encore, si l’on exerce le droit de retrait alors que nous n’avons pas de pathologies, d’enfants de moins de 16 ans, etc… Cela peut être requalifié en abandon de poste”, s’indigne sur Twitter Frédéric Guyonnet.
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